


































Ce qui est invisible Vendredi 25 octobre 2024, en pleine nuit, j’ arrive au Bénin, premiers pas dans ce pays ; il est difficile de trouver les mots pour décrire ce que je ressens. Je plonge dans un voyage intérieur au cours duquel j’ai la sensation d’être entre deux univers, je me retrouve dans d’autres dimensions, je vois ce que je ne ne connais pas. Immergé dans la culture béninoise, ses rituels vaudous, ses offrandes, ses cérémonies je dois m’adapter ; comment photographier, où me placer, quelle posture avoir…moi, blanc, occidental, athée. Il me semble reconnaître quelques gestes, ceux que Sophie a fait au début du projet, ici à Pau. Ils viennent de là, c’est leur source. Je réalise beaucoup de photographies, je filme beaucoup, j’ enregistre des sons, j’observe, je ressens. Je ressens ces scènes à fleur de corps et de peau, en quelques jours je sens que je vacille émotionnellement, quelque chose se joue en moi, rien de précis pour l’instant. Au fil des cérémonies, au fil des jours, des rencontres , tout s’intensifie, les vibrations sont plus présentes et plus fortes, quelque chose m’appelle , j’ai bien une idée mais je ne l’accepte pas. Samedi 2 novembre 2024 à l’aube je me réveille , toujours au même moment depuis dix ans. J’ai du mal à me lever, du mal à penser , pourtant à un moment je trouve la force de le faire, je prends mon appareil fait maison car je sens que j’ai besoin de l’utiliser. Je marche, je marche…je marche en direction de la plage, le son des vagues m’appelle, la lumière du jour à peine levé m’appelle. Il y a un vent doux, très peu de gens, pas de musique, pas de chant ; je marche vers la Porte du Non Retour, je m’arrête je prends l’horizon en photo, je continue. J’arrive à la porte, je me tiens face à elle, je ne la traverse pas encore. Au même moment arrive un chien, il n’y a que nous. Il vient à côté de moi, pas trop loin, pas trop proche, dans un entre-deux en quelque sorte. On s’assoit en même temps. Il se met de profil, comme un sphinx, il semble m’ignorer, il est face à l’océan , je suis face à l’océan, je réalise une photo de lui. Nous nous levons en même temps, il part d’un côté, moi de l’autre…je traverse la porte. Je marche quelques mètres, je trouve cela étrange, je m’arrête, je me retourne, il n’est plus là évidemment. La présence de ce chien, cette porte, cette solitude, à cette date si douloureuse pour moi, m’ invite à y trouver des signes, un dialogue avec une matière qui n’est plus celle de la raison. Ce travail est une exploration visuelle et plastique, il questionne comment rendre visible ce que je ne peux pas représenter, de quelle manière se rencontrent une expérience spirituelle et mon histoire personnelle, un chemin, un parcours initiatique que j’ai vécu au Bénin.